
Jia Zhangke est probablement le cinéaste chinois le plus important des 25 dernières années. S’il est passé rapidement d’un cinéma presque amateur obtenant avec difficulté les autorisations de tournage à un statut de cinéaste reconnu aussi bien dans son pays qu’à l’étranger, son œuvre tourne toujours autour du même thème : l’évolution de la société chinoise entre les années 80 et maintenant, la conversion du pays à l’économie ultra-libérale vue par les gens qui n’en ont pas profité, la classe populaire de province.
Les Feux sauvages est un film à la construction aussi déconcertante qu’intéressante. Une première partie est constituée de séquences inédites tournées au fil des ans par le réalisateur, mêlées à des scènes reprises de ses anciens films. Elles ne sont pas toutes au même format, de la même qualité, et si on reconnait Zhao Tao, l’actrice habituelle (et femme) de Jia Zhangke, on ne comprend pas trop s’il y a un véritable scénario ou si on assiste à une succession aléatoire de scènes non liées. Et puis, dans la seconde moitié, l’histoire s’éclaircit : c’est la séparation d’un couple, le départ de l’homme de Datong (une ville minière du nord) vers le sud, et la quête de sa femme pour le retrouver et finalement accepter la rupture. Puis, 15 ans plus tard, ces personnages, de retour à Datong.
C’est aussi l’histoire d’illusions perdues : la jeune femme qui espérait une carrière de modèle ou d’actrice, dansait et chantait pour de l’événementiel, est devenue caissière de supermarché. L’homme, parti dans le sud pour trouver une meilleure situation, est revenu vieilli, marche avec une canne et n’est visiblement pas mieux loti financièrement.
Entre les deux s’intercalent d’autres scènes, qui si elles sont encore une description de la population chinoise pauvre (notamment les ouvriers participant à la destruction des bâtiments qui vont être engloutis par le barrages des 3 gorges), n’ont pas vraiment de rapport avec l’intrigue et rendent la première partie du film difficile à appréhender et, il faut le dire, un peu longue et inconsistante. Alors, si Les Feux sauvages est un film assez représentatif de l’œuvre de son réalisateur, ce n’est pas son sommet et certainement pas la meilleure manière de le découvrir. On préfèrera pour cela Plateforme ou Still Life.