Nora, comédienne à succès, voit son père revenir après des années d’absence. Celui-ci, à 70 ans, réalisateur de cinéma, a écrit le scénario de son prochaine et veut que Nora soit tienne le rôle principal. Devant son refus, il recrute une actrice américaine.
Valeur sentimentale est une histoire de famille. Un père absent qui revient, une mère décédée, une grand-mère suicidé qui hante la mémoire, deux sœurs qui ont souffert de tout cela. Avec un tel scénario, Trier aurait pu verser dans le mélodrame et produire un film lacrymal. Mais il filme toutes ces émotions avec suffisamment de distance pour éviter ce piège, aidé en cela par un trio d’acteur et d’actrices au jeu parfait. Jouant avec la mise en abyme du film dans le film, mêlant vraies et fausses émotions, c’est à une véritable démonstration de talent que l’on assiste. Aidé par une photographie remarquable qui fournit beaucoup de plans d’une beauté à couper le souffle, Valeur sentimentale est un drame éclatant, mêlant profondeur et humour, et certainement l’un des plus grands films de l’année.
En 2008, Chris, que sa famille appelle Dìdi, dont les parents taïwanais sont des immigrés récents, vit avec sa grande sœur, sa mère et sa grand-mère. Son père est absent la plupart du temps, il travaille à Taiwan. Chris a du mal à s’intégrer : il a honte de ses origines chinoises, se fait des amis difficilement et est terriblement timide avec la fille qui lui plait. A la maison, ce n’est pas mieux : il se chamaille avec sa sœur, se dispute avec sa mère ; celle-ci est en conflit avec la mère de son mari, qui ne parle que chinois et passe son temps à lui reprocher l’éducation de ses enfants.
Dìdi est un récit initiatique en partie autobiographique. Sean Wang, le réalisateur, issu d’une famille taïwanaise, avait le même âge que Chris en 2008. Nǎi Nai, sa grand-mère, porte le même nom dans le film. On comprend alors pourquoi le film semble aussi sincère et aussi juste. Cet adolescent maladroit, mal dans sa peau, tiraillé entre sa famille chinoise stricte et son inadaptation à la liberté qu’il ressent à l’extérieur avec ses amis est particulièrement touchant et on ressent avec lui son mal-être. Plus à l’aise devant son ordinateur (c’est le début de youtube et la fin de myspace) que dans le monde réel, Chris parlera à beaucoup d’entre nous, à toutes celles et ceux dont l’adolescence a été une période compliquée voire difficile. Le film n’est malheureusement pas diffusé dans beaucoup de salles, ne le manquez pas s’il passe près de chez vous.
Suite à la mort de leur père, Andy, presque majeur, et sa petite sœur malvoyante Piper sont placés chez Laura, une psychologue qui a déjà en charge Olie, un petit garçon muet au comportement bizarre. Laura a perdu sa fille, morte noyée et elle s’attache vite à Piper jusqu’à tout faire pour éloigner Andy.
A mi-chemin entre le thriller et l’horreur, Substitution est doté d’un scénario simple mais efficace : une femme tente de remplacer la fille qu’elle a perdue par une autre. Si le film ne manque pas de scènes horrifiques (certaines scènes très visuelles sont assez difficiles), il ne se contente pas de ces effets et s’attarde surtout sur les personnages. Dominé par Sally Hawkins remarquable de bout en bout, inspirant aussi bien la crainte que la compassion, l’interprétation est impeccable et donne une véritable profondeur à l’histoire. Les réalisateurs évitent les effets faciles (pas de jump scare ou de musique angoissante ici) pour nous parler de relations familiales toxiques, d’emprise et de basculement dans la folie.
Distillant un malaise constant, même dans les scènes les plus anodines, Substitution n’est pas un film tranquille et certaines scènes sont à la limite de ce que je peux supporter, cela n’en reste pas moins un film fort et marquant.
PS : Sally Hawkins était évidemment l’actrice principale de La Forme de l’eau de Guillermo del Toro, mais aussi de la délicieuse et très anglaise comédie The Lost King de Stephen Frears.
Femme célibataire de la bourgeoisie Londonienne vivant avec sa mère, dépressive depuis la mort de son père, Margaret Prior s’occupe en visitant les détenues de Millbank, la prison pour femmes active jusqu’en 1890. Parmi ces détenues, Selina Dawes, une médium condamnée suite à la mort de sa logeuse après une séance de spiritualisme. Margaret va tomber amoureuse de Selina et chercher comment la sortir de ce lieu effroyable.
Second roman de Sarah Waters et précédant Du bout des doigts, son plus célèbre livre, Affinités ne surprend guère le lectorat de l’écrivaine ni par son déroulement (la naissance d’un amour lesbien) ni par son dénouement. Comme dans ses autres romans, Waters décrit avec érudition des aspects précis de la société victorienne : ici le spiritualisme et le système carcéral. Elle bâtit lentement (peut-être un peu trop au début) la relation entre les deux femmes, ne montrant que par petites touches l’emprise de l’une sur l’autre et si le roman commence calmement, la tension monte avec la dégradation de l’état mental de Margaret.
Affinités est un roman efficace est bien mené, mais il est en deçà de Du bout des doigts dont il semble être le brouillon dans la construction de l’intrigue.
Morgane a grandi dans les caraïbes sur un bateau, fille de Anna-Marie, capitaine du vaisseau pirate The Vengeance. Mais lorsque celle-ci est mortellement blessée lors de l’abordage d’une goélette française, Anna-Marie apprend à Morgane qu’elle n’est pas sa fille mais sa nièce, et qu’elle l’a enlevée à sa vraie et cruelle mère, mariée au puissant conte d’Artois. Morgane décide alors de se rendre en France pour retrouver sa mère.
Emma Newman le dit dans la préface : elle a grandit avec Alexandre Dumas, aussi bien les livres que les diverses adaptations, et le Conte de Monte-Cristo a une place spéciale dans son cœur. The Vengeance est donc un hommage direct à ce livre et à son créateur. On y retrouve donc tout ce qui fait Dumas : des personnages haut en couleur, des aventures, des combats, de la fanfaronnade, avec ce qu’apporte en plus Newman : Morgane, ce personnage féminin aussi forte que décalée, qui suit parfois ses passions plutôt que la raison, qui découvre cette France rigoriste si loin de ses caraïbes, ainsi que quelques créatures fantastiques, dont les vampires annoncés sur la couverture.
The Vengeance est un roman léger, rapide, mouvementé et drôle. Une belle lecture de détente. (lu en VO, pas de traduction annoncée) (et on pardonnera quelques fautes de français dans les dialogues et quelques anachronismes)
Profitant d’un passage rapide à Avignon pendant le festival j’ai vu trois spectacles : du théâtre, de l’opéra pour enfants et de la danse contemporaine (soyons éclectiques ! ).
Pour commencer, « La Meute », par la compagnie des Moutons noirs, joué par Yannick Loubin. Un comédien seul, se présentant en maître d’école, nous propose sa version de Boule de Suif, la nouvelle de Maupassant. Dix personnes dans une diligence fuient la progression des allemands. Parmi elles, « boule de suif », une galante surnommée ainsi pour son embonpoint, dédaignée par les autres passagers à cause de son métier, mais qui vont bientôt avoir besoin d’elle… Yannick Loubin est excellent dans cette mise en scène de cette nouvelle dénonçant l’hypocrisie et la bassesse de la petite bourgeoisie. A l’aide d’un vieux rétroprojecteur il agrémente la nouvelle de quelques dessins et le texte est coupé régulièrement par quelques références contemporaines, parfois un peu longues, mais malgré cette légère critique le spectacle est vivant et efficace.
Ensuite, restons avec les enfants et « La cuisine musicale » de la compagnie Minute papillon. Un comédien et une comédienne interprète des airs d’opéra dans un décor de cuisine, utilisant les ustensile comme instruments de cuisine. C’est drôle et rythmé, parfaitement chanté, les airs sont interprétés dans des style totalement différents à chaque fois et ça marche aussi bien sur les enfants (dès 4 ans) que sur les adultes. Beaucoup de plaisir à voir ce spectacle de 45 minutes.
Terminons avec de la dans contemporaines et « de loin si près » de la compagnie Vilcanota, chorégraphié par Bruno Pradet. 8 danseurs et danseuses, des rubans de tissus de toutes les couleurs, et c’est parti pour une heure de danse sur une superbe musique originale mêlant électro parfois indus et vièle à roue. Ca commence avec de la gestuelle saccadée très science-fictionnelle, puis des mouvements (je découvre que c’est du Krump), puis on retrouve une influence hip-hop. C’est très beau, les danseurs et danseuses sont parfaitement synchronisés et le jeu avec les rubans est magnifique, notamment avec un final vraiment réussi (j’essaye de ne pas trop user de superlatifs). Il n’y a aucun besoin de s’y connaître en danse pour apprécier la beauté de ce spectacle, alors si cela passe près de chez vous, n’hésitez pas.
Suite à une attaque cyberterroriste touchant tous les périphériques informatiques des États-Unis, une commission « zero day » dirigée par l’ancien président des USA est créée pour retrouver les auteurs de cette action qui a causée quelques milliers de morts. Mais cette commission est dotée de pouvoirs très étendus et ses méthodes sont rapidement critiquées par l’opposition politique.
Zero Day avait été annoncée bruyamment par Netflix, mettant en avant le rôle principal tenu par Robert De Niro, peu habitué des séries TV. Beaucoup de moyens ont été mis dans la production de cette mini-série de 6 épisodes, et cela se voit à l’écran : casting riche, réalisation propre, décors soignés…
Malheureusement, le point faible est le scénario. Si tout commence très bien, utilisant l’actualité proche pour faire monter la sauce (puissance des entreprises de la tech, montée du complotisme, abus de pouvoir…), les scénaristes en font trop et la crédibilité tombe à l’eau. Entre les manipulateurs manipulés, les hommes de l’ombre dont les motivations sont oubliées en chemin et les histoires de famille plus ou moins sordides, la suspension d’incrédulité en prend un coup et la naïveté de certains personnages passe mal. A force de vouloir en montrer trop la série s’embrouille et ses cotés les plus intéressants perdent en force. Reste Robert De Niro impeccable, épaulé par une distribution à la hauteur. Dommage.
Kneecap est l’histoire du groupe de rap du même nom. Formé par deux jeunes irlandais de Belfast rejoint par un prof de musique qui joue cagoulé pour ne pas être reconnu, ils chantent en anglais et en gaélique, racontant leur jeunesse marqué par la drogue, la violence et l’envahisseur anglais. Kneecap, c’est un peu l’indépendance irlandaise vue par des Monty Python sous MDMA qui se mettraient au rap.
Tout est énorme dans ce film : des premières scènes de leur enfance avec es paroissiens défoncés involontairement à l’herbe jusqu’à leur (pas si) improbable succès, en passant par leur conflit avec les indépendantistes anti-drogue, tout cela est trop improbable pour ne pas être authentique ou au moins très proche de la réalité (les trois rappeurs jouent d’ailleurs leur propre rôle). On rit beaucoup avec Kneecap, d’un rire très politique, porté par une réalisation efficace et imaginative et un rythme trépidant.
Kneecap (le groupe) a régulièrement des problèmes avec les politiques anglais, qu’ils soient conservateurs ou travaillistes, en raison de leur critique de la colonisation anglaise, des méthodes policières, de leur défense de la langue gaélique ou de leur soutien au peuple palestinien qui leur a valu une censure à priori par la BBC lors de la retransmission du dernier festival de Glastonbury. Le film est très peu distribué, une trentaine de salles sur toute la France un mois après sa sortie, alors allez le voir si vous pouvez !
Bilan plus maigre ce trimestre, pour cause d’une part d’activités extérieures intenses et d’autre part d’un certain nombre de déceptions.
Côté cinéma, seulement deux films marquants : Black Box Diaries, sur cette journaliste japonaise qui poursuit son violeur en justice, et Harvest, un étrange film entre le drame paysan et le folk horror. Je retiens aussi Sinners, un blockbuster d’horreur bien fait avec une superbe bande son. J’aurais voulu aimer Life of Chuck, de Mike Flannagan, mais l’adaptation trop fidèle a certainement nui à sa réalisation. Enfin Les Linceuls de David Cronenberg a été une déception supplémentaire. Heureusement le prochain trimestre a commencé avec le formidable kneecap dont je vais reparler bientôt.
Pour les livres, The Final Girl Support Group de Grady Hendrix m’a marqué, mais ce ne fut pas une lecture très agréable, tandis qu’Une Trace dans le temps de Jody Taylor a rempli son rôle de lecture détente, et j’ai fini le trimestre dans la douleur avec Beloved de Tony Morrison, livre aussi important qu’éprouvant.
Les Dossiers oubliés, série britannique policière se déroulant en Écosse, a certainement été mon meilleur moment télévisuel. Docteur Who n’a pas été décevant, mais il y manquait le truc qui fait dire whaou comme on pouvait avoir à l’époque de David Tennant et les scénarios de Russell T. Davies ne font pas toujours dans la finesse cette saison. J’ai vu aussi les trois saisons du Livre perdu des sortilèges, adaptations de la trilogie de Deborah Harkness. Ce n’est pas un chef d’œuvre, mais ça passe plutôt bien, et l’adaptation tout en étant fidèle enlève une partie des longueurs des romans. J’ai regardé les trois premiers épisodes de Murderbot mais le découpage en épisode de 30 mn provoque un manque de rythme qui ne m’a pas donné envie de renouveler mon abonnement à Apple TV. Enfin, Will Trent, une série policière basée à Atlanta, m’a agréablement surpris : des personnages bien construits et des épisodes qui tiennent globalement la route en font une série réussies malgré quelques défauts mineurs.
Mais le meilleur moment du trimestre vient d’un domaine que je ne connaissais pas : la danse avec Vollmond de Pina Bauch. Quelque chose me dit que je vais certainement retourner voir de la danse…
A la police d’Édimbourg, Carl Morck, enquêteur anglais au comportement de parfait connard, est muté dans un nouveau service suite à une erreur de sa part ayant couté la vie à un jeune policier. Il se retrouve au sous-sol pour enquêter sur des affaires classées, aidé d’un réfugié syrien au passé douteux et d’une jeune policière atteinte d’un PTSD. Leur premier dossier : trouver ce qu’il est arrivé à une avocate disparue sans aucune trace quatre ans auparavant.
Excellente surprise que cette série anglaise située en écosse : une enquête tordue, des personnages très forts, une interprétation excellente (Matthew Goode fait très bien le connard, on a régulièrement envie de lui mettre des claques), un casting écossais dont l’accent est un délice et beaucoup de scènes vraiment réussies (attention quand même, pas mal d’images où le sang gicle et dont les protagonistes finissent en très mauvais état). Les neufs épisodes de cette saison constituent une seule enquête aux multiples pistes et je conseille d’enchaîner les épisodes assez rapidement pour ne pas perdre le fil.
Une seconde saison n’a pas été confirmée mais il semble selon cet article qu’elle soit probable.