Tu ne mentiras point, Tim Mielants

Il y a 2 ans, The Quiet Girl de Colm Bairéad m’avait beaucoup marqué par sa justesse et sa sensibilité : l’histoire d’une petite fille irlandaise quittant sa famille brutale et misérable pour passer l’été chez une tante aimante et son mari bourru mais attachant. Le film était tiré d’une novella de Claire Keegan, « Les trois Lumières ». C’est aussi le cas de Tu ne mentiras point, adapté du roman « Ce genre de petites choses ». Ici le sujet est plus dur, puisque le récit se déroule dans un couvent de la Madeleine.

Les couvents de la Madeleine étaient une institution vieille de deux siècles présente en Irlande, au Royaume-Uni et dans quelques autres territoires anglophones. Ils récupéraient les femmes « perdues », notamment les jeunes filles qui se retrouvaient enceintes hors-mariage et les faisaient travailler dans des blanchisseries au sein du couvent. Travail forcé pour ne pas dire esclavage, violences, malnutrition, sévices divers, ces personnes étaient exploitées au maximum. Le scandale a éclaté dans les années 80/90 lorsqu’on a retrouvé des fosses communes dans ces couvents contenant des centaines de corps, aussi bien de ces femmes que de leurs bébés et enfants. Le dernier de ces couvents a été fermé en 1996 et si l’état irlandais a reconnu sa responsabilité, aucune victime n’a été indemnisée.

Mais revenons au film : en 1985, Bill Furlong, marchand de charbon irlandais, découvre lors d’une livraison dans un couvent une jeune fille sur le tas de charbon. Il comprend qu’elle souffre de maltraitance et ne sait pas quoi faire, tiraillé entre sa conscience et la peur de se mêler de ce qui ne le regarde pas, comme lui dit sa femme. Mais Bill est lui même orphelin, et s’il a eu la chance d’être élevé par une femme bourgeoise qui avait recueilli sa mère (elle-même mère célibataire), il ne peut que se sentir impliqué dans ce qu’il voit.

Sur un tel sujet, il est difficile de ne pas faire un film à charge, et c’est le principal écueil de Tu ne mentiras point qui navigue entre deux eaux : d’une part le film est noir d’un bout à l’autre, son ambiance pesante continuelle ne permet pas d’avoir des scènes fortes et produit un film manquant de relief, d’autre part en s’attachant à un personnage principal extérieur au couvent il nous montre très peu ce qu’il s’y passe. Alors les acteurs font ce qu’ils peuvent, Cilian Murphy le premier (même s’il me semble en trop bon état pour quelqu’un qui livre du charbon depuis autant d’années), mais le résultat manque tristement d’émotion, ce dont The Quiet Girl était rempli à ras-bord. On aimerait pouvoir ressentir quelque chose pour ces personnages, mais on reste toujours extérieur. Dommage.

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