Zero Day, de Eric Newman, Noah Oppenheim et Michael Schmidt

Suite à une attaque cyberterroriste touchant tous les périphériques informatiques des États-Unis, une commission « zero day » dirigée par l’ancien président des USA est créée pour retrouver les auteurs de cette action qui a causée quelques milliers de morts. Mais cette commission est dotée de pouvoirs très étendus et ses méthodes sont rapidement critiquées par l’opposition politique.

Zero Day avait été annoncée bruyamment par Netflix, mettant en avant le rôle principal tenu par Robert De Niro, peu habitué des séries TV. Beaucoup de moyens ont été mis dans la production de cette mini-série de 6 épisodes, et cela se voit à l’écran : casting riche, réalisation propre, décors soignés…

Malheureusement, le point faible est le scénario. Si tout commence très bien, utilisant l’actualité proche pour faire monter la sauce (puissance des entreprises de la tech, montée du complotisme, abus de pouvoir…), les scénaristes en font trop et la crédibilité tombe à l’eau. Entre les manipulateurs manipulés, les hommes de l’ombre dont les motivations sont oubliées en chemin et les histoires de famille plus ou moins sordides, la suspension d’incrédulité en prend un coup et la naïveté de certains personnages passe mal. A force de vouloir en montrer trop la série s’embrouille et ses cotés les plus intéressants perdent en force. Reste Robert De Niro impeccable, épaulé par une distribution à la hauteur. Dommage.

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Kneecap, Rich Peppiatt

Kneecap est l’histoire du groupe de rap du même nom. Formé par deux jeunes irlandais de Belfast rejoint par un prof de musique qui joue cagoulé pour ne pas être reconnu, ils chantent en anglais et en gaélique, racontant leur jeunesse marqué par la drogue, la violence et l’envahisseur anglais. Kneecap, c’est un peu l’indépendance irlandaise vue par des Monty Python sous MDMA qui se mettraient au rap.

Tout est énorme dans ce film : des premières scènes de leur enfance avec es paroissiens défoncés involontairement à l’herbe jusqu’à leur (pas si) improbable succès, en passant par leur conflit avec les indépendantistes anti-drogue, tout cela est trop improbable pour ne pas être authentique ou au moins très proche de la réalité (les trois rappeurs jouent d’ailleurs leur propre rôle). On rit beaucoup avec Kneecap, d’un rire très politique, porté par une réalisation efficace et imaginative et un rythme trépidant.

Kneecap (le groupe) a régulièrement des problèmes avec les politiques anglais, qu’ils soient conservateurs ou travaillistes, en raison de leur critique de la colonisation anglaise, des méthodes policières, de leur défense de la langue gaélique ou de leur soutien au peuple palestinien qui leur a valu une censure à priori par la BBC lors de la retransmission du dernier festival de Glastonbury. Le film est très peu distribué, une trentaine de salles sur toute la France un mois après sa sortie, alors allez le voir si vous pouvez !

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Un trimestre en demi-teinte

Bilan plus maigre ce trimestre, pour cause d’une part d’activités extérieures intenses et d’autre part d’un certain nombre de déceptions.

Côté cinéma, seulement deux films marquants : Black Box Diaries, sur cette journaliste japonaise qui poursuit son violeur en justice, et Harvest, un étrange film entre le drame paysan et le folk horror. Je retiens aussi Sinners, un blockbuster d’horreur bien fait avec une superbe bande son. J’aurais voulu aimer Life of Chuck, de Mike Flannagan, mais l’adaptation trop fidèle a certainement nui à sa réalisation. Enfin Les Linceuls de David Cronenberg a été une déception supplémentaire. Heureusement le prochain trimestre a commencé avec le formidable kneecap dont je vais reparler bientôt.

Pour les livres, The Final Girl Support Group de Grady Hendrix m’a marqué, mais ce ne fut pas une lecture très agréable, tandis qu’Une Trace dans le temps de Jody Taylor a rempli son rôle de lecture détente, et j’ai fini le trimestre dans la douleur avec Beloved de Tony Morrison, livre aussi important qu’éprouvant.

Les Dossiers oubliés, série britannique policière se déroulant en Écosse, a certainement été mon meilleur moment télévisuel. Docteur Who n’a pas été décevant, mais il y manquait le truc qui fait dire whaou comme on pouvait avoir à l’époque de David Tennant et les scénarios de Russell T. Davies ne font pas toujours dans la finesse cette saison. J’ai vu aussi les trois saisons du Livre perdu des sortilèges, adaptations de la trilogie de Deborah Harkness. Ce n’est pas un chef d’œuvre, mais ça passe plutôt bien, et l’adaptation tout en étant fidèle enlève une partie des longueurs des romans. J’ai regardé les trois premiers épisodes de Murderbot mais le découpage en épisode de 30 mn provoque un manque de rythme qui ne m’a pas donné envie de renouveler mon abonnement à Apple TV. Enfin, Will Trent, une série policière basée à Atlanta, m’a agréablement surpris : des personnages bien construits et des épisodes qui tiennent globalement la route en font une série réussies malgré quelques défauts mineurs.

Mais le meilleur moment du trimestre vient d’un domaine que je ne connaissais pas : la danse avec Vollmond de Pina Bauch. Quelque chose me dit que je vais certainement retourner voir de la danse…

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Les dossiers oubliés (dept Q), Scott Frank et Chandni Lakhani

A la police d’Édimbourg, Carl Morck, enquêteur anglais au comportement de parfait connard, est muté dans un nouveau service suite à une erreur de sa part ayant couté la vie à un jeune policier. Il se retrouve au sous-sol pour enquêter sur des affaires classées, aidé d’un réfugié syrien au passé douteux et d’une jeune policière atteinte d’un PTSD. Leur premier dossier : trouver ce qu’il est arrivé à une avocate disparue sans aucune trace quatre ans auparavant.

Excellente surprise que cette série anglaise située en écosse : une enquête tordue, des personnages très forts, une interprétation excellente (Matthew Goode fait très bien le connard, on a régulièrement envie de lui mettre des claques), un casting écossais dont l’accent est un délice et beaucoup de scènes vraiment réussies (attention quand même, pas mal d’images où le sang gicle et dont les protagonistes finissent en très mauvais état). Les neufs épisodes de cette saison constituent une seule enquête aux multiples pistes et je conseille d’enchaîner les épisodes assez rapidement pour ne pas perdre le fil.

Une seconde saison n’a pas été confirmée mais il semble selon cet article qu’elle soit probable.

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Life of Chuck, Mike Flanagan

Tiré d’une nouvelle de Stephen King (la vie de Chuck, disponible dans le recueil Si ça saigne), le film est divisé en 3 parties montrées à rebours. l’Acte 3 nous présente une Amérique glissant dans le post-apo : la Californie a été détruite par un tremblement de terre, Internet ne fonctionne plus, les services publics s’effondrent, la population se suicide ou fuit. On suit quelques personnages d’une petite ville dans cette débâcle, quand ce monde est envahi de publicités « Charles Krantz, 39 merveilleuses années, merci Chuck ! ».
Les actes 2 et 1 qui suivent vont nous apprendre qui est ce Chuck, et on en dira pas plus pour ne pas spoiler.

Ce qui est bien avec les œuvres de Mike Flanagan c’est qu’il tourne toujours avec la même équipe à laquelle il ajoute 2 ou 3 acteurs ou actrices dont il doit être fan et que nous aimons aussi, certainement pour les mêmes raisons. Ainsi, on reconnait vite Rahul Kohli, Kate Siegel ou Samantha Sloyan auquel Flanagan ajoute Tom Hiddleston, Karen Gillan, Mark Hammil, Chiwetel Ejiofor et Annalise Basso. Lorsqu’on a suivi les différentes séries de Flanagan, on a l’impression de se retrouver en famille ou de retrouver des ami·es en voyant tous ces gens. L’autre qualité du réalisateur/scénariste, c’est l’empathie qu’il fait ressortir des personnages. On ressent leur problèmes, leur difficultés, leurs émotions comme si on était avec eux.

Là où le film pêche, c’est son scénario. Si on remet les actes dans l’ordre, l’histoire est légère et banale. On a déjà lu/vu cent fois ce récit et la seule originalité est ce montage inversé.

Alors on oubliera vite l’histoire, on se souviendra plutôt de cette ambiance, de ce confort qu l’on retrouve en compagnie de ces acteurs et actrices.

Et puis il y a Tom Hiddleston qui danse, et cela suffit à pardonner la mollesse de l’intrigue.

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The Final Girl Support Group, Grady Hendrix

Lynnette est une final girl. Une final girl, dans les slashers, c’est la seule survivante d’un groupe d’ados victime d’un tueur fou, c’est celle qui lui échappe en le tuant à la fin du film.

Lynnette a ainsi échappé à un massacre, seule survivante de sa famille, gravement blessée, et sauvé par l’intervention d’un policier. Depuis 16 ans elle participe à un groupe de paroles formée par une psychologue, et regroupant cinq autres final girls. Depuis le massacre, Lynnette vit barricadée et surarmée dans un appartement transformé en bunker, atteinte de paranoïa depuis qu’elle a été menacée par le frère du tueur fou. Mais Lynnette a un autre problème : elle n’est pas vraiment une final girl, puisque ce n’est pas elle qui a tué le tueur mais un policier. Alors lorsqu’après un nouveau massacre une des filles du groupe est retrouvée morte et qu’une autre a disparu, la paranoïa de Lynnette prend le dessus et elle se met à soupçonner tout son entourage, quitte à passer à des méthodes brutales.

Grady Hendrix m’avait habitué lors de mes trois précédentes lectures à mêler horreur, humour et sujets de société, notamment en mettant particulièrement bien en scène des personnages féminins. The Final Girl Support Group adopte un ton résolument différent : l’humour est beaucoup moins présent et le personnage féminin central est profondément abimée psychologiquement. Le roman qui en résulte est sombre et parfois violent. Mais Hendrix a toujours le même talent d’écriture et la manière dont il rend le fonctionnement mental de Lynnette est par moment difficile à supporter : on voit ce qui ne va pas chez elle, on sent qu’elle se trompe et que ses décisions vont avoir des conséquences effroyables, on aurait envie de la faire changer d’avis et on assiste impuissant au résultat, tout cela rendu de manière bien trop réaliste. The Final Girl Support Group est un livre très fort mais aussi très dur, qui utilise le trope classique du slasher pour nous parler de femmes brisées et d’une Amérique baignant dans la violence.

Allez, pour se détendre, une vidéo en thème (et puis ça fait toujours du bien de voir Saoirse Ronan).

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Vollmond, Pina Bausch, Théâtre de la ville

Je n’avais jamais vu de théâtre de danse. Mélange de complexe de l’imposteur, de ne pas disposer des clés, de ne pas comprendre ce qu’il se passait, je n’avais pas franchi le pas jusqu’à maintenant. L’année dernière, on en avait parlé avec une amie n’en connaissant pas plus que moi et on était décidé à y aller, mais divers événements personnels ont fait capoter le projet. Aussi, quand une nouvelle amie chorégraphe m’a proposé d’aller voir Vollmond, j’ai accepté, rassuré d’y aller avec une personne experte du domaine qui pourrait répondre à mes interrogations de néophyte. Surtout que selon elle, découvrir la danse avec un spectacle de Pina Bausch, on ne pouvait trouver mieux.

Elle avait raison : c’était spectaculaire, accessible, chargé d’humour et d’émotions. Sur une scène traversée par une rivière où les danseurs et danseuses s’éclaboussent, nagent, sautent depuis un rocher, où la pluie tombe par intermittence, sur un fond de musique électro (on reconnait entre autre Leftfield ou Amon Tobin), Vollmond parle de relation, d’amour, de violence conjugale, de rupture brutale, de douleur. Une première partie joyeuse, une seconde plus sombre, un tableau aux références fantastiques évidentes (des danseuses habillées en noir errent au ralenti comme des spectres tandis qu’une autre en blanc s’élève entre les bras de danseurs) et une fin flamboyante où l’eau est balancée dans tous les sens et à grand bruit, Vollmond est de la danse extrêmement physique et dynamique, mais aussi du théâtre et du mime et on en ressort ébloui. Merci de m’avoir entrainé là 🙂

Tanztheater Wuppertal Pina Bausch: Vollmond (Full moon) – TANSSIN TALO Helsinki

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Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé, Bogdan Muresanu

Après Radio Prague, les ondes de la révolte dans la Hongrie de 1968 qui décrivait l’écrasement de la tentative de Dubcek de créer un « socialisme à visage humain », voici un nouveau film consacré à une révolution, cette fois réussie, dans un pays de l’ancien bloc de l’Est. Ce nouvel an… nous permet de suivre la vie quotidienne plusieurs roumains, acteurs, étudiants, travailleurs, leur rapport au régime de Ceausescu, ce qu’ils subissent au jour le jour et comment ils tentent d’y échapper. Ce ne sont pas des leaders politiques, des intellectuels ou des révolutionnaires mais plutôt des gens de la classe moyenne, qui subissent et font le minimum nécessaire pour ne pas avoir d’ennui, et qui voient le régime vaciller à leur grande surprise.

Comme Radio Prague, le film est plein de bonne volonté mais pêche par sa réalisation. La multiplicité des personnages donne un film trop long qui peine à démarrer, alternant scènes réussies et moments quelconques voire gênants. En s’appuyant sur la vie quotidienne, il montre certes l’ambiance générale de suspicion et de délation du pays, mais ne s’attarde pas sur les exactions du pouvoir en place et on a l’impression de passer à côté du sujet.

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Tu ne mentiras point, Tim Mielants

Il y a 2 ans, The Quiet Girl de Colm Bairéad m’avait beaucoup marqué par sa justesse et sa sensibilité : l’histoire d’une petite fille irlandaise quittant sa famille brutale et misérable pour passer l’été chez une tante aimante et son mari bourru mais attachant. Le film était tiré d’une novella de Claire Keegan, « Les trois Lumières ». C’est aussi le cas de Tu ne mentiras point, adapté du roman « Ce genre de petites choses ». Ici le sujet est plus dur, puisque le récit se déroule dans un couvent de la Madeleine.

Les couvents de la Madeleine étaient une institution vieille de deux siècles présente en Irlande, au Royaume-Uni et dans quelques autres territoires anglophones. Ils récupéraient les femmes « perdues », notamment les jeunes filles qui se retrouvaient enceintes hors-mariage et les faisaient travailler dans des blanchisseries au sein du couvent. Travail forcé pour ne pas dire esclavage, violences, malnutrition, sévices divers, ces personnes étaient exploitées au maximum. Le scandale a éclaté dans les années 80/90 lorsqu’on a retrouvé des fosses communes dans ces couvents contenant des centaines de corps, aussi bien de ces femmes que de leurs bébés et enfants. Le dernier de ces couvents a été fermé en 1996 et si l’état irlandais a reconnu sa responsabilité, aucune victime n’a été indemnisée.

Mais revenons au film : en 1985, Bill Furlong, marchand de charbon irlandais, découvre lors d’une livraison dans un couvent une jeune fille sur le tas de charbon. Il comprend qu’elle souffre de maltraitance et ne sait pas quoi faire, tiraillé entre sa conscience et la peur de se mêler de ce qui ne le regarde pas, comme lui dit sa femme. Mais Bill est lui même orphelin, et s’il a eu la chance d’être élevé par une femme bourgeoise qui avait recueilli sa mère (elle-même mère célibataire), il ne peut que se sentir impliqué dans ce qu’il voit.

Sur un tel sujet, il est difficile de ne pas faire un film à charge, et c’est le principal écueil de Tu ne mentiras point qui navigue entre deux eaux : d’une part le film est noir d’un bout à l’autre, son ambiance pesante continuelle ne permet pas d’avoir des scènes fortes et produit un film manquant de relief, d’autre part en s’attachant à un personnage principal extérieur au couvent il nous montre très peu ce qu’il s’y passe. Alors les acteurs font ce qu’ils peuvent, Cilian Murphy le premier (même s’il me semble en trop bon état pour quelqu’un qui livre du charbon depuis autant d’années), mais le résultat manque tristement d’émotion, ce dont The Quiet Girl était rempli à ras-bord. On aimerait pouvoir ressentir quelque chose pour ces personnages, mais on reste toujours extérieur. Dommage.

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Les linceuls, David Cronenberg

Karsh (anagramme auditif de Crash ?) est inconsolable depuis la mort de sa femme. Ayant fait fortune dans la vidéo, il construit un cimetière « innovant » pour rester près d’elle, où plutôt de son corps. Les morts de son cimetière sont enveloppés dans des linceuls hightech qui projette l’image du corps en temps réel sur un écran de la pierre tombale et sur une application smartphone. Ainsi, les proches éplorés peuvent suivre en temps réel la décomposition du cadavre. Mais 9 de ces tombes sont cassées une nuit, victime d’un vandalisme d’origine inconnue.

J’étais allé un peu à reculons voir ce nouveau film de Cronenberg. Son précédent, les crimes du futur, m’avait profondément déçu. Les Linceuls tourne autour de son triptyque habituel : le corps/le sexe/la mort. Avec toujours du body horror : le cadavre en décomposition bien évidemment, mais aussi des corps mutilés, amputés, couverts d’immenses cicatrices et des scènes de sexe plus remplies de tension que d’érotisme. C’est évidemment bien fait, comme toujours avec Cronenberg, aidé par une distribution qui connait son métier, mais malheureusement le scénario s’égare : de complots en illusions, on comprend assez vite que cette histoire de vandalisme n’est qu’une excuse pour déployer les relations étranges, voire glauques, entre les personnages et on est pas surpris de n’avoir aucune explication à la fin, à force de nous montrer des fausses pistes sans grand intérêt (un coup les chinois, un coup les russes, un coup les écolos islandais, un coup l’IA). On est très loin de Crash qui avec les mêmes thèmes était bien plus pertinent.

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