Où es-tu, monde admirable, Sally Rooney

Alice et Eileen se sont connues à Dublin à l’université et sont devenues des amies proches. Alors qu’Alice est une romancière à succès dépressive qui s’est installée à sa sortie de l’hôpital psy dans une maison d’un petit village où elle a rencontré Felix via tinder, Eileen vivote à la rédaction d’un magazine, gagne à peine de quoi vivre et est aussi seule, plus ou moins amoureuse de Simon, un ami d’enfance.

De Sally Rooney j’avais lu Normal people l’année dernière et ce récit m’avait laissé une impression bizarre, un malaise dans le traitement de son personnage féminin principal. Ce second roman me laisse aussi sur un sentiment ambivalent. Si l’on sent bien à travers Alice et Eileen un certain rejet de la société actuelle, une perte de repère, une désillusion quant à leur rôle, c’est malheureusement rendu de manière un peu trop superficielle, les personnages semblant plus concernés par leurs pratiques sexuelles que par l’état du monde. Pour paraphraser Eilen : oui, le monde n’est plus le même depuis que le communisme est mort avec l’union soviétique, donc replions-nous égoïstement sur nous-même et évacuons le reste. La relation entre Alice et Felix, entre l’autrice riche et le prolo de la campagne qui gagne mal sa vie en effectuant de la manutention, ne déclenche chez aucun des deux une réflexion de classe et la description de leurs ébats sexuels qui semblent être le sommet de leur relation provoque un certain ennui chez le lecteur. 

Livre générationnel certainement, mélange de déception, de froideur et d’illusions perdues (si elles ont jamais existé), reflet d’une époque où pour beaucoup l’avenir n’est plus lisible : Où es-tu, monde admirable est une lecture déconcertante quand on est d’une autre génération. Il faut attendre la fin et une dispute entre les deux amies pour voir surgir l’émotion avec des phrases qui font mouche, qui remuent quand on a connu une telle situation. Il y a certainement beaucoup de l’autrice dans ce récit (elle a à peu près l’âge de ses personnages) et malgré le sentiment mitigé que dégage ce roman il me sera intéressant de voir comment ses récits évoluent.

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