Paradise, Dan Fogelman

La petite ville de Paradise porte bien son nom : elle est toute propre, il fait toujours beau, les habitants sont sympas, et même le président des États-Unis y habite. Mais un matin, Xavier Collins, le responsable de la sécurité du président, le retrouve mort, visiblement assassiné. Et rien n’est visible sur les caméras de surveillance.

(spoiler du premier épisode, vous êtes prévenu)

Ce qui commence comme un thriller classique bascule rapidement vers autre chose : la raison de l’existence de cette petite ville. Construite dans une énorme grotte, elle a permis à ces habitants sélectionnés pour leurs compétences d’échapper à la fin du monde. Car à l’extérieur de cette grotte, c’est la chaos, une catastrophe mondiale a détruit à peu près tout. La partie thriller est alors mise de côté (la résolution du meurtre, sans rapport avec le reste de la série, arrive comme un cheveu sur la soupe) au profit des enjeux de pouvoir entre Collins et Sinatra, la femme à l’origine du projet Paradise et vraie dirigeante dans l’ombre de la ville).

Ce mélange de Silo et de Truman Show n’est pas mal fait, mais à l’image de cette ville propre, on s’y ennuie un peu. Les épisodes se suivent et se ressemblent, on ne voit pas grand chose de mémorable passé le twist du début et le meilleur épisode est, assez ironiquement, celui qui se déroule à l’extérieur de Paradise avant la catastrophe, révélateur du manque d’intérêt du reste. L’interprétation est correcte même si par moment on aurait envie de mettre un coup de pied au cul de Sterling Brown (Xavier Collins) pour qu’il se réveille et s’active un peu. La série se conclue évidemment avec un gros cliffhanger annonciateur de la saison 2. Une série à regarder les soirs de fatigue.

Publié dans série | Laisser un commentaire

Prime target, Steve Thompson

Série en cours de diffusion sur Apple TV, Prime Target avait un pitch prometteur : la NSA surveille les plus grands mathématiciens qui travaillent sur les nombres premiers car leurs travaux pourraient mettre en péril les algorithmes de chiffrement. Un thriller basé sur les mathématiques, voilà qui est original.

Et effectivement, la série commence plutôt bien : à Bagdad, un vieux bâtiment est mis à jour, contenant les écrits du mathématicien persan Al-Khwārizmī, l’inventeur de l’algèbre, écrits concernant aussi les nombres premiers. De son côté, le jeune doctorant de Cambridge Edward Brooks est dissuadé de travailler sur les nombres premiers par son directeur de thèse, lequel se suicide mystérieusement peu après. Une jeune membre de la NSA, Taylah Sanders, découvre que c’est un meurtre et décide de rejoindre Brooks pour le protéger.

Hélas, à partir du 3e ou 4e épisode, cela se gâte. Après une scène de piratage informatique atteignant un sommet de ridicule, les personnages agissent en dépit du bon sens et le scénario de la suite de la série semble sorti de la poubelle de luc besson. L’épisode 6 dépasse les limites du supportable dans une scène d’action (?) à bord du shuttle, le train empruntant le tunnel sous la manche. Ajoutons à cela un casting raté où pas un seul acteur ne joue bien (mention spéciale à Quintessa Swindell dans le rôle de Taylah, aussi crédible et expressive qu’un concombre de mer) et une réalisation d’une platitude rare.

On trouve de bonnes séries sur Apple TV (au hasard : Severance, Slow Horses, Sugar), alors gagnez du temps : regardez autre chose que ce naufrage.

Publié dans série | Laisser un commentaire

Limberlost, Robbie Arnott

Dans les années 40 en Tasmanie, alors que ses deux grands frères sont partis à la guerre, Ned, trop jeune pour les rejoindre, reste à la ferme avec ses parents et sa sœur. Alors qu’il chasse les lapins pour vendre les peaux dans le but de s’acheter un bateau, il capture un dasyure, un petit marsupial local sauvage tueur de poules. Au lieu de le tuer pour récupérer sa fourrure, il le soigne et le garde dans une cage. 

Après Flammes et l’Oiseau de pluie, Limberlost (nom de la ferme des parents de Ned) est le troisième texte traduit de Robbie Arnott. Si Flammes était un roman fantastique et l’Oiseau de pluie une dystopie, Limberlost est un roman purement réaliste, situé dans la région de naissance de l’auteur. Roman d’apprentissage centré sur la jeunesse de Ned (quelques bribes du reste de sa vie sont néanmoins délivrées vers la fin du texte), Limberlost est avant tout lié à cette terre de Tasmanie, au rapport entre Ned et la nature, notamment grâce à la découverte de la navigation. Mais c’est aussi un roman sur la colonisation de cette terre, sur la négation des populations locales, ce que les filles de Ned lui reprochent à la fin de sa vie. Ned est un homme « normal », avec ses faiblesses et ses échecs, sa connaissance de la nature, ses petites réussites et ses amours.

S’il est moins spectaculaire que les deux romans précédents d’Arnott, Limberlost est un récit plus intimiste, sur un homme des années 50, proche de la terre et l’ignorant en même temps. C’est une vie simple et pourtant riche que nous raconte l’auteur sur un ton plein d’humanité et de tendresse.

Publié dans littérature | Laisser un commentaire

Prima la vita, Francesca Comencini

Prima la vita nous raconte la relation entre la réalisatrice et son père, Luigi Comencini, en trois étapes. D’abord petite fille, où il lui raconte des histoires, l’emmène à l’école, où elle assiste et parfois participe aux tournages. Ensuite, étudiante rebelle dans les années de plomb italiennes, où fascinée par les brigades rouges, en conflit avec son père, elle tombe dans la drogue. Enfin, libérée de ses problèmes, devenue réalisatrice à son tour et travaillant avec Luigi.

Lettre d’amour d’une fille à son père, le film est une recréation libre de cette relation autour des deux personnages. Le reste de la famille (la mère et les trois sœurs de Francesca) est absente du récit, comme si Luigi avait élevé seul Francesca. Un troisième personnage est néanmoins présent : le cinéma. Car ce qui unit ces deux personnes, c’est aussi l’amour des films et de leur création. A l’opposé de l’esbrouffe grotesque du Babylon de Damien Chazelle, le cinéma que nous montre ici Comencini est un art populaire, authentique, et les scènes de tournage recréées dans Prima la vita sont des moments débordants de vie et de joie. Le film n’esquive pas pour autant les moments plus difficiles, les corps qui souffrent sous l’effet de la drogue dans le cas de Francesca ou l’arrivée de la maladie de Parkinson pour Luigi. Mais ce sont aussi des occasions où la relation entre les deux, au lieu de se briser, se renforce. 

Parfaitement interprété par Fabrizio Gifuni et Romana Maggiora Vergano, Prima la vita est une merveille pleine de tendresse et d’amour. Allez le voir, vous en ressortirez avec un peu de bonheur en plus.

Publié dans cinéma | Laisser un commentaire

Silo saisons 1 & 2, Graham Yost

Silo est l’adaptation du roman de Hugh Howey dont je n’avais aucun souvenir de l’intrigue (si ce n’est que le roman m’avait paru à l’époque sans grand intérêt). Je ne vous dirais donc pas si l’adaptation est fidèle 🙂 .
Reprenons : suite à une événement inconnu, l’air à la surface de la Terre est devenu toxique. 10000 personnes sont enfermées sous terre depuis plusieurs générations, dans un silo, une ville verticale de 144 étages. Les étages reconstituent les classes sociales : en haut les dirigeants, au fond du silo les travailleurs accomplissant les tâches les plus ingrates, ce qui provoque mécontentement et rébellion, cristallisés autour d’un fait : l’air est-il toujours toxique dehors ou peut-on retourner à la surface ?

La série est à l’image du livre : sans éclat ni surprise. La reconstitution du silo est bien faite, mais l’intégralité des épisodes navigue dans des couleurs ternes. De même pour les personnages : dès leur première apparition on sait s’ils sont dans le camp du bien ou du mal. Les retournements de situation sont prévisibles, on voit les cliffhangers arriver de loin, et la série en use et abuse jusqu’à plus soif. Malgré tout, cela fonctionne, on se laisse prendre au jeu, et Silo devient une série que l’on peut bingewatcher en étendant la lessive. Apple a annoncé deux nouvelles saisons pour conclure la série, espérons que les scénaristes se lâchent un peu plus.

Publié dans série | Laisser un commentaire

When the light breaks, Rúnar Rúnarsson

Una et Diddi, étudiants en arts à Reykjavik, sont amants. Alors que Diddi doit retourner voir Klara, sa compagne actuelle, pour lui annoncer leur séparation, il meurt dans un accident de voiture. Klara, qui ne se doute de rien, arrive à Reykjavik pour rejoindre les amis de Diddi et le pleurer ensemble.

Film sur le deuil, celui de Klara, la compagne officielle éplorée, celui des amis de Diddi, mais surtout celui d’Una, l’amante qui ne peut rien dire, qui doit se retenir pour que Klara ne découvre pas la vérité, When the light breaks est d’une grande sensibilité. S’il évoque les différentes réactions possibles, la fuite dans l’alcool, la camaraderie, mais aussi la gène et le désespoir, le film reste malheureusement un peu trop distant de ses personnages et on ne ressent pas vraiment l’émotion qui les traverse. Alors certes, la douleur est visible, certaines scènes sont belles, notamment à la fin lorsque Una et Klara se prennent dans les bras pour dormir, mais au final on reste extérieur à ce drame. Dommage.

Publié dans cinéma | Laisser un commentaire

Un meurtre au bout du monde, Brit Marling et Zal Batmanglij

Nouvelle série de Brit Marling et Zal Batmanglij qui avaient déjà collaboré ensemble sur the OA, Un meurtre au bout du monde est un Whodunit dans le milieu de la technologie, des gens successful et des muskeries.

Darby Hart est une hackeuse et détective amatrice. Associée à Bill, un autre amateur de True Crime, elle avait suivi la piste d’un tueur de femmes en série. Alors qu’ils étaient devenus amants, Bill l’avait quittée à la fin de l’enquête. Quelques années plus tard, elle reçoit une invitation à un séminaire organisé par Andy, richissime chef d’entreprises de hautes technologies, séminaire se déroulant dans un hôtel islandais assez déroutant et auquel ne participe que des gens célèbres. Une invitation d’autant plus déroutante quand Darby découvre que Bill est aussi invité, et qu’il meurt dès le premier jour…

Sur une base très classique (un groupe de gens qui ne se connaissent pas se retrouve en huis-clos, l’un d’eux meurt, les liens entre les personnages et les secrets plus ou moins sombres apparaissent), la série amène quelques éléments modernes comme cet hôtel géré par une IA ou ce patron de la silicon valley rappelant certain personnage réel. L’intrigue est bien menée, le casting réussi (Emma Corin, dans le rôle d’une Darby angoissée en proie permanente au doute est impressionnante), l’hôtel et son isolement islandais crée une ambiance oppressante à souhait, mais il manque quelque chose pour que ce soit vraiment réussi, peut-être un manque de rythme par moment, la multiplication des intrigues secondaires ou un abus du flashback créant un suspense artificiel. Malgré ces légères réserves, Un meurtre au bout du monde se tient quand même dans le haut du panier des séries récentes disponibles en streaming.

Publié dans série | Laisser un commentaire

September & July, Ariane Labed

September et July sont deux sœurs à la relation quasi fusionnelle faite de diverses bêtises difficilement canalisées par leur mère. July, un peu bizarre, est victime des moqueries de ses camarades de classe et sa sœur la défend parfois brutalement lorsque ces moqueries se transforment en harcèlement. Une défense qui la conduit à de multiples exclusions de l’école, jusqu’à ce que leur mère les emmène faire un séjour au bord de mer.

Bati sur une relation aussi forte qu’étrange, deux sœurs aussi proches que dissemblables (September ordonne, July exécute, September est refermée et méfiante, July est ouverte et naïve), inadaptées au monde dans lequel elles vivent mais qu’elles parviennent à traverser grâce à leur sororité, on sent rapidement, aussi bien par l’image et par le son que par le comportement des sœurs, que quelque chose ne colle pas dans cette relation. Et c’est tout le talent d’Ariane Labed : introduire de l’étrangeté dans cette histoire pourtant limpide au premier abord.

Tiré d’un roman de Daisy Johnson (« sœurs »), September & July est un film sur l’adolescence, sur la famille, mais aussi sur la perte et la résilience, admirablement servi par des actrices formidables. On aurait envie de le voir deux fois pour mesurer l’agilité de la cinéaste et du scénario, après avoir compris lors de la première projection de quoi il en retourne.

Publié dans cinéma | Laisser un commentaire

La Pampa, Antoine Chevrollier

Dans une petite ville du Maine-et-Loire, Jojo et Willy sont des amis inséparables à l’approche de leurs 18 ans. Jojo participe au championnat local de moto-cross, Willy est son mécanicien. Le père de Jojo dirige l’équipe et c’est son obsession, poussant son fils au maximum, lui faisant plus de reproches que d’encouragements. Willy, lui, ne s’est pas vraiment remis de la mort de son père dix ans auparavant ; ses rapports avec sa mère et son beau-père sont orageux et il préfère passer du temps avec ses copains que réviser son bac.

Avec un tel début, on s’attend à un drame familial classique. Et si drame familial il y a, ce qui fait basculer le film n’a rien de classique (on remerciera d’ailleurs la bande annonce qui ne dévoile rien). Ce qui se passe entre Jojo, Willy et leur entourage fait exploser ces relations fragiles, et le film qui commençait sur un ton assez léger prend alors une tout autre envergure. Évitons de spoiler le thème principal, mais l’amitié, la relation des adolescents au monde, le patriarcat toxique et le harcèlement sont, entre autres, abordés avec aisance, sans complaisance et sans voile pudique, dans toute leur crudité et leur cruauté. Ces adolescents fragiles et passionnés sont filmés à la bonne distance, avec leur difficultés de communication, leurs hésitations, leurs peines. 

Une amie dit que ce film devrait plaire aux fans de Sean Baker, et effectivement on y retrouve le même ton évitant toute morale, le même soucis de l’humain, de gens vivants à la périphérie de la société, pas forcément à l’aise dans ce monde, qui ne savent pas trop où ils vont. Retenons enfin une distribution remarquable : que ce soit ces deux ados ou leur entourage ils sont tous et toutes pleinement dans leur rôle, ne livrant aucune fausse note d’un bout à l’autre de ce grand film.

Publié dans cinéma | Laisser un commentaire

The Brutalist, Brady Corbet

A la fin de la 2e guerre mondiale, Laszlo Toth, architecte hongrois brutaliste (je ne vous ferai pas l’affront de vous expliquer ce qu’est le brutalisme), émigre aux États-Unis. D’abord aidé par son cousin, petit fabricant de meubles à Philadelphie, il doit ensuite repartir de zéro, jusqu’au jour où un riche industriel, Lee Van Buren, le repère et lui propose de diriger une construction monumentale.

3h30. C’est ce que dure ce film nous racontant la vie de cet architecte imaginaire (inutile de chercher, ce n’est pas un biopic d’un personnage ayant existé). 3H30, cela permet de traiter beaucoup de sujets. Et c’est là peut-être le plus gros défaut du film : illusion du rêve américain, pauvreté, racisme, antisémitisme, violence des riches, drogue, relation conjugale… tout y passe ou presque, mais soit de façon superficielle, soit de manière grossière.

Après une première partie plutôt réussie malgré quelques scènes inutiles (Toth va voir un film porno. Hein ?!?), la seconde traîne en longueur après le twist que l’on attendait tous : le chantier monumental part en carafe (encore une déception : la cause est assez quelconque). On en reprend une couche sur tous les sujets jusqu’à une scène grotesque à Carrare (où Toth et Van Buren se sont rendus pour acheter du marbre). Cette scène est une facilité scénaristique qui devrait être interdite de tout scénario (et livre) sérieux et ne sert qu’à insister sur ce qu’on savait déjà : le patron est un salaud.

Avec une heure de moins, un scénario plus fin et peut-être un acteur plus vif qu’Adrien Brody, The brutalist m’aurait convaincu. Mais ça aurait été un autre film. Et puis peut-être que j’aurais aimé que ca parle plus d’architecture 🙂

Publié dans cinéma | Laisser un commentaire