Présence, Steven Soderbergh

Une famille avec deux ados emménage dans une grande maison, mais une présence invisible se manifeste, notamment en bougeant des objets.

Présence est un film de maison hantée mais n’est pas un film d’horreur. Ce lieu est assez quelconque : une maison en bois américaine typique des quartiers de la classe moyenne supérieure. Elle n’a aucune originalité, en dehors d’une cheminée surmontée d’un miroir d’époque (la maison a un siècle). Cette demeure est propre et lisse, à l’image du film : ici pas de jump scare, pas d’images angoissantes, juste cette présence qui occupe tout le film en caméra subjective. Et ce fantôme, c’est un peu Casper, il est là pour prendre soin de ses habitants, et plus particulièrement de Chloé, l’adolescente à problèmes (car il faut bien qu »il y ait un problème dans cette famille).

Deux des amies de Chloé sont mortes mystérieusement, leur famille les a retrouvées le matin sans vie dans leur chambre. C’est là la plus grande originalité du film : le mal ne va pas venir de cette maison hanté, mais de l’extérieur.

C’est aussi là que réside le problème du film : cette menace est banale et n’a pas de rapport avec la maison. Soderbergh mélange deux thèmes classiques de l’horreur mais n’en tire qu’un film lisse et terne. Il utilise les tropes habituels des maisons hantées (lumières qui vacillent, objets qui bougent, médium qui sent la présence) mais ne semble pas vraiment convaincu par ce qu’il fait (le casting n’a d’ailleurs pas l’air plus concerné qui lui), jusqu’à une dernière scène ratée et un peu ridicule. On regarde le film sans déplaisir, mais sans ressentir grand chose non plus. Dommage.

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Je suis toujours là, Walter Salles

En 1971, Rubens, sa femme Eunice et leurs cinq enfants vivent dans une grande maison de Rio de Janeiro en bord de plage. Rubens est un ancien député travailliste, revenu à son métier d’architecte après le coup d’état militaire. Mais il est soupçonné d’aider l’opposition à la dictature et est arrêté illégalement ainsi que sa femme et leur plus grande fille. Eunice et sa fille sont libérées au bout de quelques jours, mais Rubens ne réapparaitra jamais.

Histoire vraie de la vie (et de la mort) de Rubens Paiva, arrêté, torturé et tué quelques jours après par les militaires (son corps n’a jamais été retrouvé), Je suis toujours là s’attache aux conséquences de sa disparition sur sa famille.

D’une grande pudeur, le film n’est pas là pour nous montrer les exactions militaires : pas de scènes de torture, seule la séquence de questions que subit Eunice est présente à l’écran. Mais il n’est pas nécessaire de nous en montrer plus pour comprendre : le transport vers le centre de détention secret (les membres de la famille sont cagoulés), les quelques cris que l’on entend suffisent à nous faire comprendre les méfaits de la dictature.

Le film s’attarde plutôt sur la vie brisée de cette famille, ce père qui n’est plus là, les mensonges et les non-dits que doivent tenir Eunice et sa fille pour ne pas inquiéter les enfants plus jeunes, mais aussi tout simplement le manque d’argent provoqué par la suppression du seul salaire de la famille et le retour aux études d’Eunice pour pouvoir reprendre un travail.

Découpé en trois périodes distinctes, d’abord 1971 et la disparition de Rubens, puis 1995 où, après le retour du Brésil à la démocratie, celui-ci est enfin déclaré mort, enfin dans les années 2010 dans une dernière séquence peut-être superflue ou Eunice, atteinte d’Alzheimer,  est entourée de ses proches, le film montre que cette famille ne s’est jamais réellement remise de cette disparition, que les blessures infligées par une dictature ne se referment jamais complètement.

Film d’une force et d’une douceur remarquables, évitant les effets gratuits, ancré au contraire dans le réel par l’utilisation de séquences en super-8, Je suis toujours là est un témoignage mémoriel puissant sur ce qu’il s’est passé, sur ce qui peut toujours revenir (et pas seulement au Brésil). Remarquons enfin un casting impeccable, porté par Fernanda Torres formidable dans le rôle d’Eunice, femme à la fois forte et fragile, découvrant de la pire manière les actions justes de son mari (remarquons au passage que comme souvent, si les hommes agissent pour ce qu’il leur parait juste, leurs femmes et leurs familles en paient aussi les conséquences) et qui au lieu de se refermer sur elle-même après cette effroyable séquence se mettra au service de la population autochtone brésilienne.

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Ravagés de splendeur, Guillaume Lebrun

Nouveau roman de Guillaume lebrun chez Christian Bourgois après le très bon Fantaisies Guérillères qui délirait autour de Jeanne d’Arc, Ravagés de splendeur est un texte court et violent à l’image du règne de son personnage principal, l’empereur roman Héliogabale. Empereur ou impératrice au genre incertain, à la bisexualité se développant dans la violence et le sang. 

L’auteur n’a pas besoin de beaucoup forcer le trait pour nous livrer ce récit rempli de transgression. Sa plume est vive, décrivant ces orgies et leurs excès, multipliant les points de vue entre trois personnages, utilisant parfois en guise de clin d’œil un vocabulaire anachronique. On lit ça d’un trait, subjugué et effrayé par ces scènes brutales à l’issue inéluctable.

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Tortuga, Valerio Evangelisti

En 1686, l’ancien jésuite portugais Rogério de Campos est forcé de rejoindre l’équipage du flibustier Laurens de Graaf puis celui de Michel de Grammont. Il découvre la vie des pirates autour de l’île de Tortuga, territoire français et refuge des pirates au service du roi de france.

Tournant autour de la vraie vie de Michel de Grammont (on pourrait considérer que le roman est une uchronie), récit pur de piraterie, Tortuga n’est pas pour autant une idéalisation de la flibuste. Si la vie dans les bateaux réguliers des armées françaises ou espagnoles est décrite dans toute son horreur avec sa hiérarchie stricte, ses coups de fouets et ses autres punitions, Evangelisti ne prend pas de gants non plus du côté corsaire : morts violentes, tortures, viols, esclavage ne donnent pas plus envie de les rejoindre. Rogério, pourtant ancien jésuite, tombe vite lui aussi dans la violence et les plaisirs sanguinaires. Mais Evangelisti est avant tout un romancier, et au-delà des différentes horreurs décrites, il sait mener son histoire, empilant les intrigues, décrivant la folie des hommes, brossant des personnages haut en couleur au cœur de batailles navales impressionnantes, permettant au lecteur de surmonter le dégoût des cadavres et des tortures pour suivre les aventures de Rogério.

Tortuga a été suivi de deux autres romans de pirates : Veracruz et Cartagena, malheureusement non traduits.

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Jane Austen a gâché ma vie, Laura Piani

Ayant enchainé deux films dans des milieux laissés pour compte du capitalisme (l’excellent Bird et Les feux sauvages) et deux films avec des maladies incurables (La chambre d’à côté et En fanfare), j’avais besoin d’un peu de légèreté. Jane Austen m’a gâché la vie m’a paru être le film adéquat.

Agathe est libraire bilingue dans une célèbre librairie anglaise de Paris. Sa vie est une longue série de problèmes : ses parents sont morts dans un accident de voiture, elle n’a pas connu l’amour depuis plusieurs années, elle écrit des romans qu’elle n’ose pas envoyer à un éditeur, persuadée que ses créations sont médiocres. Mais son collègue le fait sans lui dire et elle est acceptée en résidence d’auteur à la Jane Austen Residency. Après moultes atermoiements, elle s’y rend et est accueillie par l’arrière petit neveu d’Austen, un anglais bougon et divorcé.

Le scénario est assez limpide : on est dans une comédie romantique Enemies to lovers. Dès le premier plan avec cet anglais râleur on comprend comment cela finira. Mais l’important n’est pas là : le film est charmant, depuis ses rayonnages de livres jusqu’à cette maison et ses occupants terriblement anglais, son vieux propriétaire atteint d’alzheimer, sa délicieuse femme qui gère tout ce petit monde, et surtout Agathe (brillamment interprétée par Camille Rutherford), ses névroses, son immense complexe de l’imposteur, son manque d’estime de soi et sa panne d’écriture. Alors oui, cela ne va pas très loin, on est dans une comédie légère où le plus gros souci est une panne de voiture, où on vit dans une bulle remplie de gens intelligents et où les problèmes du monde extérieur n’existent pas, mais cela n’est pas bien grave, on est venu pour passer un bon moment et le contrat est rempli.

Ah, et en bonus ultime, l’immense Frederick Wiseman nous lit un poème. Que demander de plus ?

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Les feux sauvages, Jia Zhanghe

Jia Zhangke est probablement le cinéaste chinois le plus important des 25 dernières années. S’il est passé rapidement d’un cinéma presque amateur obtenant avec difficulté les autorisations de tournage à un statut de cinéaste reconnu aussi bien dans son pays qu’à l’étranger, son œuvre tourne toujours autour du même thème : l’évolution de la société chinoise entre les années 80 et maintenant, la conversion du pays à l’économie ultra-libérale vue par les gens qui n’en ont pas profité, la classe populaire de province.

Les Feux sauvages est un film à la construction aussi déconcertante qu’intéressante. Une première partie est constituée de séquences inédites tournées au fil des ans par le réalisateur, mêlées à des scènes reprises de ses anciens films. Elles ne sont pas toutes au même format, de la même qualité, et si on reconnait Zhao Tao, l’actrice habituelle (et femme) de Jia Zhangke, on ne comprend pas trop s’il y a un véritable scénario ou si on assiste à une succession aléatoire de scènes non liées. Et puis, dans la seconde moitié, l’histoire s’éclaircit : c’est la séparation d’un couple, le départ de l’homme de Datong (une ville minière du nord) vers le sud, et la quête de sa femme pour le retrouver et finalement accepter la rupture. Puis, 15 ans plus tard, ces personnages, de retour à Datong.

C’est aussi l’histoire d’illusions perdues : la jeune femme qui espérait une carrière de modèle ou d’actrice, dansait et chantait pour de l’événementiel, est devenue caissière de supermarché. L’homme, parti dans le sud pour trouver une meilleure situation, est revenu vieilli, marche avec une canne et n’est visiblement pas mieux loti financièrement.

Entre les deux s’intercalent d’autres scènes, qui si elles sont encore une description de la population chinoise pauvre (notamment les ouvriers participant à la destruction des bâtiments qui vont être engloutis par le barrages des 3 gorges), n’ont pas vraiment de rapport avec l’intrigue et rendent la première partie du film difficile à appréhender et, il faut le dire, un peu longue et inconsistante. Alors, si Les Feux sauvages est un film assez représentatif de l’œuvre de son réalisateur, ce n’est pas son sommet et certainement pas la meilleure manière de le découvrir. On préfèrera pour cela Plateforme ou Still Life.

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En fanfare, Emmanuel Courcol

Thibaut, un chef d’orchestre de renommée internationale atteint d’une leucémie découvre, lorsqu’il a besoin d’une greffe de moelle osseuse, qu’il a été adopté et qu’il a un frère, Jimmy, cuistot dans une cantine d’une petite ville du nord. Ce frère joue du trombone dans l’orchestre local, principalement composé des ouvriers et ouvrières de l’usine de la ville en cours de délocalisation et que les salariés occupent.

Il y a 2 cinémas français : d’un côté les drames sentimentaux de bourgeois habitant dans de grand appartements haussmanniens, et les drames sociaux ancrés dans le prolétariat en cours de disparition (ok, je force un peu le trait). En fanfare appartient bien évidemment à la seconde catégorie. Cet homme privilégié découvre par nécessité un monde qui n’a rien à voir avec le sien, et malgré sa gène et un peu de condescendance, s’aperçoit qu’ils ont une valeur commune, la musique, et qu’il doit son statut avant tout à son lieu de naissance.

Le message peut sembler naïf et on pourrait craindre un traitement simpliste, mais c’est filmé avec une vraie gentillesse et une vraie conscience. Le scénario est plus fin qu’il n’y parait, et ce sont finalement les prolétaires qui viennent au secours de ce bourgeois, d’abord par cette greffe, puis dans une magnifique scène finale débordant d’émotions. Pour autant, le film ne fait pas dans le culte du prolétariat : les personnages ne sont pas lisses, ils commettent des erreurs, ont aussi leurs problèmes et leurs faiblesses, comme l’ancien chef de la fanfare qui part en Roumanie former ceux qui vont le remplacer et qui préfère le taire à ses collègues. De même, les frontières de classe ne se gomment pas ; Jimmy l’apprend à ses dépens en pensant pouvoir auditionner pour un orchestre classique et la réaction de Thibaut le blesse profondément, lui rappelant qu’un plafond de verre existe et qu’il ne pourra pas changer de classe sociale.

Évitant tout angélisme et bien qu’il soit jonché de maladie, de chômage et de mensonges, En fanfare est un film émouvant et quelque part joyeux, porté par des acteurs impeccables : Benjamin Lavernhe en chef d’orchestre et Pierre Lottin dans ce rôle de grognon attachant qui évite tout surjeu, plus proche de Jean-Pierre Bacri que de Raphaël Quenard, ainsi que Sarah Suco, voix de la raison au milieu de cette agitation.

Allez le voir de ma part si ce n’est déjà fait, ce film vous fera du bien (et certainement un peu pleurer).

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22.11.63, Bridget Carpenter

Adaptation en 8 épisodes du roman de Stephen King.

Jake Epping, professeur d’anglais d’une petite ville du Maine, découvre dans le restaurant de son ami Al un portail temporel débouchant en 1960. Al l’a souvent exploré, voulant l’utiliser pour empêcher l’assassinat de JFK, mais il est atteint d’un cancer et n’est plus en état de le faire. Jake se laisse convaincre et se retrouve dans les années 60 sur les traces de Lee Harvey Oswald.

Reconstitution de l’un des événements les plus marquants de l’histoire américaine récente, 22.11.63 est avant tout intéressante par cet aspect. Cette Amérique où la ségrégation est encore présente et où les femmes sont dépendantes de leurs maris est finement représentée, notamment par les personnages secondaires : la relation amoureuse cachée entre le directeur d’école blanc et son assistante noire est emblématique. De même pour nous européens qui ne connaissons généralement que les grandes lignes de cet événement, les éléments biographiques d’Oswald montrés par la série (sa relation avec l’URSS et le marxisme) nous permettent de comprendre pourquoi il était le suspect idéal. La relation amoureuse entre Jake et Sadie, loin d’être une diversion de l’intrigue principale, renforce l’effet de réel de la série. Jake passe en effet trois ans dans ce passé, et même s’il s’y sent toujours extérieur, il ne peut éviter de nouer des relations fortes avec ces gens alors qu’il sait que ce n’est que temporaire, qu’il retournera à son époque une fois sa mission accomplie.

Le plus gros défaut de la série est malheureusement de taille : son acteur principal. James Franco semble n’avoir que deux expressions au long de ces huit épisodes : « je ne me sens pas concerné » et « j’ai une tête de chien battu ». Il semble souvent se demander ce qu’il fait là, ne dégage guère d’émotions et affadit la série de sa présence. On regrettera aussi quelques facilités : Jake se laisse convaincre bien facilement qu’il peut voyager dans le temps pour aller sauver JFK, les policiers le laissent partir tranquillement après qu’il ait commis un meurtre, certains aspects de la reconstitution font un peu trop carte postale (les voitures sont toutes magnifiques et bien propres sauf celle de Bill qui est immonde).

Malgré ces défauts, 22.11.63 est une série agréable à regarder, sans trop de temps morts, au scénario suffisamment habile pour tenir le spectateur en haleine jusqu’à la fin.

(et vous avez vu le bombage REDRUM sur un mur du dépôt de livres ?)

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Le problème à trois corps saison 1, David Benioff & D.B. Weiss (2023)

Ayant lu le roman lors de sa sortie US en 2014, je n’en avais pas de souvenir très précis. Cette saison adapte le premier roman plus le début du second, la forêt sombre et ajoute une intrigue en provenance du troisième tome.

L’adaptation par Netflix a nettement été internationalisée : la majeure partie de l’action se déroule maintenant en Angleterre, beaucoup de personnages chinois sont devenus anglais ou américains et le principal personnage chinois est Ye Wenjie, la physicienne qui trahit l’humanité (même si j’ai l’impression qu’elle est décrite moins négativement dans la série que dans le film).

Du côté de l’intrigue, le récit est plus fluide dans la série que dans le livre, notamment en supprimant les parties les plus hard-SF. En revanche, la série a un problème de gestion temporelle : il ne s’écoule que quelques mois entre le début et la fin de la saison et ce qu’il se passe est inconcevable sur cette durée (un seul exemple : la construction du vaisseau et le lancement de 300 fusées contenant les bombes atomiques pour sa propulsion). Il ne faut donc pas examiner de trop près le déroulement et plutôt se laisser emporter par sa suspension d’incrédulité. Par ailleurs, le personnage principal du roman, Wang Miao, a disparu et est remplacé par 4 personnages basés à Oxford et ayant fait leurs études ensemble. La série en profite pour développer de mini intrigues relationnelles entre eux, faisant du remplissage et affadissant la série, d’autant plus que le casting, s’il n’est pas honteux, n’est pas non plus exceptionnel, aucun acteurice ne crevant l’écran.

Avec tout cela, la série se regarde sans déplaisir, sans point vraiment bloquant (j’ai du mal à comprendre les critiques trouvant l’intrigue incompréhensible), mais sans grand relief non plus. Les scènes vraiment marquantes sont trop peu nombreuses, l’introduction pendant la révolution culturelle est bien plus forte dans le roman, et seul le passage du bateau sur le canal de Panama risque de rester dans les mémoires. On verra ce que donne la saison 2.

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Les Terres indomptées, Lauren groff

Dans l’Amérique du 17e siècle, une jeune domestique s’évade du fort où elle était coincée avec ses maîtres, fort encerclé par des guerriers amérindiens.
Les terres indomptées sont celles qu’elle va traverser en hiver, sous la neige et dans le froid, s’éloignant de toute population humaine.

Changement radical de décor et de narration pour ce nouveau roman de Lauren Groff : après le couple d’artistes des Furies et Marie de France, femme forte à la direction d’un couvent médiéval dans Matrix, nous sommes ici avec un personnage seul dans un récit de Nature writing.

Cette jeune fille (voire cette adolescente) dont nous ne connaissons pas le véritable nom (les sœurs qui l’ont recueillies bébé l’ont baptisée Lamentations Meretrix) a déjà beaucoup souffert. Placée à quatre ans dans une famille riche, elle servira de souffre-douleur à leur fils, puis, suite à un remariage de sa maîtresse, devra les suivre en amérique, où après un voyage douloureux elle subira la faim et la violence de ses maîtres avant de s’échapper.

Cette fuite, ce retour à la nature, c’est pour elle la seule façon d’échapper à tout ce qu’elle a subit. C’est son accession à la liberté, son moyen de sortir de sa triple condition de femme domestique à la peau foncée et de quitter ces gens venus dans ce pays neuf pour faire fortune en le pillant. C’est aussi pour elle la découverte de la beauté du monde, de la simplicité de la nature. Alors même si elle sait qu’elle a peu d’espoir de survivre longtemps dans ce milieu hostile, elle savoure cette liberté nouvelle, ces journées occupées à se trouver de quoi se nourrir et s’abriter des prédateurs, aussi bien humains qu’animaux.

A l’opposé d’un roman d’apprentissage, les terres indomptées est un roman de l’oubli : oubli des oppressions sociales, raciales et religieuses. Lauren Groff nous livre ici, par le biais d’un retour à la nature, un sublime récit de libération d’une femme.

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